Chaque fois que je lis ou que j’entends une info à propos de Thierry Neuville, je repense aux sélections du deuxième Ford RACB Rally Contest en 2008. C’était un an plus tôt que j’avais fait la connaissance avec ce jeune loup alors âgé de 19 ans et originaire de Saint-Vith…
La naissance du Ford RACB Rally Contest était la conséquence indirecte de l’arrêt de la RACB Formula Renault Academy. A cette période, la fédération travaillait d’arrache-pied à rendre son prestige au championnat de Belgique des rallyes, d’où l’intention de procéder à la formation de jeunes pilotes. La RACB Rally Cup, héritage malheureux de Citroën, pesait encore dans l’esprit de beaucoup, et on pensait à Ford pour cofinancer une chasse aux talents dans le cadre du Fiesta Trophy avec les fonds de l’Academy qui étaient disponibles. Ce devait être à l’Omloop van Vlaanderen en 2006 que nous avons présenté le projet à Jo Declercq, de Ford. Une discussion apparemment convaincante, car quelques semaines plus tard avait lieu une première (et certainement pas dernière) réunion de travail dans les bureaux anversois de Ford. Le lancement officiel du Ford RACB Rally Contest suivrait lors des Awards 2006, au Cirque Royal.
Flash-back, 27 février 2007. Sur les 350 inscrits, 120 noms étaient retenus pour les sélections de la première édition du Contest. Vingt heureuses jeunes recrues recevaient leur ticket pour la finale. Anthony Martin l’emportait de justesse devant Olivier Van Oost et Kristof Van Tricht, recevant des mains de Robert Droogmans les clefs d’une Ford Fiesta ‘Trophy’. Parmi les battus figurait un certain Thierry Neuville, qui n’intégrait pas le Top 20. Après les tests pratiques suivait une discussion avec le jury, et c’est à ce niveau que le bas blessait, l’intéressé ne parlant que l’allemand, n’étant pas en mesure de sortir le moindre mot en français. Quant au néerlandais… Thierry n’était pas le seul représentant des cantons de l’est à faire son apparition sur les pistes du Centre de Formation à la Conduite de Bruges. “J’ai découvert ici un nouveau Duval’’, tels étaient les mots de l’un des copilotes occasionnels montés en piste avec le dénommé Markus Meyer. Et la comparaison ne valait pas seulement pour la vitesse… Lors du test en langues, ce voisin de région de Neuville (et beaucoup plus tard un des ouvreurs de Thierry) déclarait forfait, lors des exercices physiques, il jetait rapidement le gant, tandis qu’il avait ignoré la règle voulant qu’un finaliste ne soit pas entouré de sa famille et de ses amis…
Initialement, il n’était pas prévu qu’un deuxième Contest ait lieu, le budget de 2008 devant intégralement servir à soutenir une saison internationale pour Anthony Martin, le vainqueur du Contest. Chez Ford, on aspirait par contre à une réédition du FRRC, car ce Contest était le vivier idéal, et s’imposait comme la meilleure publicité pour le Trophy (presque tous les finalistes signaient dans la foulée pour une saison en Fiesta). Le RACB finissait par suivre ce choix, mais comme certaines promesses avaient été faites, Martin-Borguet pouvait se préparer pour une excursion au Deutschland Rally.
Quelques semaines avant les sélections du deuxième Contest, j’apprenais de la bouche de Herbert Simon, journaliste au Grenz Echo et président de l’AMC Sankt-Vith, la présence parmi les engagés d’un membre de son club. Je pensais d’abord au finaliste peu motivé du premier Contest, mais en fait, il parlait d’un certain Thierry Neuville…
Jo Declercq et moi-même nous rappelions à peine de Neuville lors des petites conversations que nous avions eues cette année-là avec 70 candidats. Lorsque nous avons laissé parler Thierry, il a tout d’abord rappelé ce que nous lui avions apparemment dit un an plus tôt : “J’ai suivi vos bons conseils, et j’ai entre-temps travaillé mon français…’’ Neuville faisait impression. Plus tard aussi, au volant de la Fiesta. Il était donc qualifié pour la finale du 2 mars. Neuville et les 19 autres finalistes se sont battus avec acharnement pour la victoire final – une saison en Fiesta Trophy était en jeu ! – à tel point que les trois Fiesta disponibles ont toutes rendu l’âme, et que la superfinale n’a pu être organisée. Après une longue délibération sur la suite à donner à cette opération – l’idée d’un vainqueur sur papier avait d’emblée été rejetée -, Jo Declercq trouvait un accord avec Ford Lommel pour y organiser quelques jours plus tard une finale supplémentaire, sur la piste d’essais de Ford. Thierry Neuville, Matthias Boon et Julien Marnifero ont ainsi été seulement analysés par les instructeurs de Ford. Pour ces observateurs neutres, un numéro de voiture en particulier ne faisait aucun doute sur la piste, c’était le numéro qui correspondait à Thierry Neuville, le vainqueur!
Thierry Neuville et son copilote Achim Maraite eurent l’occasion de débuter avec la Fiesta devant le public de l’East Belgian Rally, dans leur région. Je me rappelle d’une spéciale où je me trouvais avec Dany Colebunders, à l’époque Rally Manager du RACB. “Quand vont-ils freiner ?’’, cria un Dany étonné lorsque déboulait une Fiesta. Et l’étonnement dans les yeux de l’ancien copilote de Snijers n’allait cesser de grandir alors que la Fiesta conservait sa vitesse, avant d’enfin monter sur les freins. Dany n’était pas le seul à être impressionné par les débuts de Neuville. Lors du lunch chez… Peugeot, j’ai entendu Michel Lizin – plus tard son manager – dire qu’il avait déjà été voir Neuville lors du Regroup. Entre-temps, Thierry a appris la course automobile. En tombant parfois, en se relevant toujours. Il était néanmoins sélectionné pour le FIA Pirelli Shoot Out en Autriche. Conscient de l’importance de l’anglais, il s’est jeté dans le grand bain, impressionnant les membres du jury qu’étaient Michèle Mouton et Walter Röhrl, subjugués par son habileté à passer du français à l’allemand et à l’anglais…
Pour la saison 2009, Neuville était repris dans le giron du RACB National Team afin de conduire une Citroën C2 du team MI de Willy Plas, et par la suite aussi sélectionné pour l’opération BF Goodrich, avec une participation à Ypres au volant d’une Peugeot 207 S2000 ‘made by Kronos’.
Le reste n’est que littérature…